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La structuration des espaces verts permettrait alors d’apporter les services écologiques et bienfaits sur la santé physique et mentale des individus selon les préférences des différentes catégories d’usagers.

De nombreuses études mettent en lumière l’apport des espaces verts sur la santé et le bien-être des individus. Le contact des individus avec la nature est essentiel non seulement pour leur équilibre mais aussi pour favoriser leur sensibilité et leur engagement en faveur de la biodiversité. Dans un contexte d’urbanisation croissante, maintenir l’accès des espaces verts à l’ensemble de la population est indispensable à la qualité de vie. 

La conception et gestion des espaces verts devraient alors idéalement prendre en compte la diversité des préférences afin de favoriser la fréquentation des espaces verts par les différents profils d’habitants et le développement de leurs bienfaits. 

Espaces verts formels et informels

Plusieurs facteurs peuvent influencer les préférences de la population, ce qui donne lieu à une combinaison de personnes et de caractéristiques des espaces verts.

Parmi ces caractéristiques, on note que les gens préfèrent généralement les paysages avec des éléments naturels souvent mesurés par la présence de végétation par rapport aux espaces peu végétalisés. Parmi ces paysages végétalisés, une caractéristique importante est le degré de formalisme, qui pourrait être décrit en termes de signes forts ou évidents d’intervention humaine, comme les formes géométriques vues dans les jardins à la française. Sont considérés généralement comme étant moins formels les jardins anglais de style romantique.

Le formalisme dans des espaces végétalisés peut être caractérisé par deux traits liés à l’intervention de l’homme sur la nature. Le premier est la présence d’éléments comme les bancs, les chemins en gravier, pouvant augmenter le degré d’appréciation envers ces espaces en ce sens qu’ils apportent un sentiment de confort et sécurité. Le second trait est l’aspect structuré et complexe de la végétalisation.

Méthodologie de l’étude

L’étude a été conduite via un questionnaire en ligne auprès de 1 802 personnes selon un échantillon représentatif de la population française d’après l’INSEE. A travers 9 paires de photos d’espaces verts publics, il a été demandé aux personnes d’indiquer leurs préférences. Ces photos présentent des niveaux de végétalisation et de formalisme subtilement variables. Tous les visuels présentent toutefois des allées propres et une pelouse tondue.

Il a été demandé aux participants de justifier leurs préférences afin de s’assurer des différences de niveau de formalisme perçues dans la conception. Les résultats montrent bien cette différence de degré de naturalité avec un style « sauvage » plus ou moins voire pas du tout prononcé ou au contraire une conception ordonnée et structurée.

L’expérience du contact avec la nature a été étudiée en demandant aux individus la taille de la commune dans laquelle ils ont vécu durant l’enfance et l’adolescence.

Les critères socio-économiques usuels ont aussi été étudiés : niveau de revenus, de diplôme, âge et la taille de la commune où la personne vit actuellement.

Résultats de l’étude sur les espaces verts

Dans les différentes paires de photos présentées, une large majorité de répondants choisissent le parc ayant le plus d’éléments naturels.

La préférence pour une conception paysagère plus structurée a été étudiée. Elle montre donc logiquement que les personnes préférant une conception paysagère plus structurée préfèrent aussi les parcs à l’apparence plus formelle. En revanche, les individus qui se sentent proches de la nature préfèrent une végétalisation plus informelle. Au final, les individus sont plus nombreux à afficher une préférence pour les espaces verts de style plus informels notamment ceux qui se sentent proches de la nature.

Il s’agirait de concevoir des espaces verts avec différentes zones avec différents degrés de formalisme. Une autre option consisterait à concevoir des espaces verts avec un niveau modéré de formalisme avec une structure bien définie (ex : symétrie, chemins droits) mais avec une végétalisation abondante, luxuriante comme compromis favorable.

« Il pourrait être intéressant d’explorer comment concevoir et entretenir au mieux des espaces verts urbains qui incarnent toutes ces caractéristiques souhaitées », avance l’étude. En 2010, des travaux de recherche conduits par Van Den Berg et Van Winsum-Westra sur des jardins familiaux / partagés de différents niveaux de formalisme, les auteurs ont pu constater que ceux avec un niveau intermédiaire de formalisme correspondant à des jardins de style « romantique » d’après leurs critères et assez proche des jardins informels de l’étude publiée en 2024 étaient valorisés d’un point de vue esthétique, aussi bien par des personnes en attente d’espaces verts structurés que par des personnes recherchant moins cette caractéristique (bien que le niveau de contact avec la nature n’ait pas été étudié dans ce travail de 2010).

Inversement, l’appréciation de jardins très entretenus et au contraire ceux à l’apparence plus « sauvage » variait de façon significative entre les personnes ayant différents besoins et était plus faible que pour les jardins « romantiques ». En encourageant la diversité des fleurs et plantes comme c’est souvent le cas dans les espaces végétalisés moins formels, il peut être davantage faisable de promouvoir certains types de biodiversité (par exemple les oiseaux et les pollinisateurs en favorisant les possibilités de nidification et d’alimentation) que dans des conceptions plus formelles.

Conclusion

Ce travail de recherche a mis en lumière l’influence des caractéristiques individuelles, en particulier les attentes en matière de conception structurée et le contact avec la nature dans les préférences que les individus expriment concernant les espaces verts urbains. Ces enseignements soulignent l’important de reconnaître et de répondre aux différentes préférences des résidents dans la conception et l’entretien des jardins publics urbains. Notre étude suggère qu’il est possible de réconcilier les préférences divergentes entre des conceptions esthétiquement formelles et informelles par une approche assez nuancée.

Les parcs urbains pourraient stratégiquement être conçus avec des zones distinctes qui offrent différents degrés de formalités dans l’entretien des végétaux, permettant aux usagers de trouver des espaces qui résonnent le mieux avec leurs préférences individuelles.

Ces enseignements montrent l’importance de faire appel aux paysagistes concepteurs dont le métier consiste à comprendre les attentes des maitres d’ouvrage, d’anticiper les usages et de composer les espaces avec les palettes végétales les plus adaptées à ces attentes et usages.