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La période estivale a permis de freiner les situations d’urgence, mais elle n’a pas pour autant permis d’avancer des solutions aux problèmes laissés en suspens fin juin.

Inquiétudes relatives au printemps prochain

Le coût des jeunes plants et boutures, des pots, substrats et engrais est très élevé. Les salaires risquent d’augmenter et les dépenses qu’il faudra envisager pour chauffer les cultures restent la grande inconnue du moment. C’est dans ces conditions que les producteurs doivent préparer les tarifs pour la saison prochaine. Si des fournisseurs répercutent les hausses de tarifs, c’est beaucoup moins évident pour les producteurs d’appliquer l’ensemble des hausses de coûts à leurs clients. Comment sera le marché en automne, en hiver et au printemps ? L’inflation va-t-elle vraiment casser la demande ? Ces questions sont mises en avant dans tous les pays producteurs en Europe et en Amérique. Elles se posent à tous types d’exploitation, grandes ou petites. Cependant, plus la structure de production est importante, plus la marge est tirée et plus la décision est difficile.

Etats-Unis et Canada moins touchés que l’Europe

Pour l’ensemble de la zone euro, la guerre entre la Russie et l’Ukraine dévoile progressivement des conséquences néfastes à long terme. La hausse des prix de l’énergie qui semble durable se répercute à l’ensemble de l’économie. Directement, par la hausse des prix à la consommation ; indirectement par la hausse des coûts de production des entreprises et donc la hausse de leurs tarifs. Les ménages constatent une baisse de leur pouvoir d’achat, les entreprises une diminution de leur capacité d’investissement. L’onde de choc se mesure à la baisse de la consommation et la frilosité des entreprises. L’euro perd de sa valeur par rapport au dollar, les Etats-Unis et le Canada sont moins touchés, à cause de leur moindre dépendance énergétique et du renforcement de la valeur de leurs monnaies.

Les productions hivernales sous serres sont très impactées

Les différents pays d’Europe sont plus ou moins impactés en fonction de leur dépendance énergétique au gaz russe. L’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, le Danemark et l’Italie sont plus touchés que des pays comme la France, le Royaume-Uni, l’Espagne et le Portugal qui ont un approvisionnement énergétique plus diversifié. C’est aux Pays-Bas que cette crise semble le plus préjudiciable pour les producteurs qui avaient l’habitude de productions importantes à marge réduite. En juillet 2022, le prix du m3 de gaz est à 1,70 €, soit quatre fois plus cher que l’an passé. De plus, les coupures d’approvisionnement de gaz ne sont pas exclues cet hiver. Il est déjà certain que les productions de fleurs et plantes sous serres en provenance des Pays-Bas vont diminuer jusqu’au printemps prochain. Les commerçants et négociants néerlandais sont en recherche active de sources alternatives d’approvisionnement.

La sécheresse touche une grande partie de l’Europe

Environ la moitié de l’Europe a été touchée par la sécheresse. A quelques exceptions près pour le nord du continent, il y a eu très peu de pluie cet été, et partout les records de chaleur sont battus. Le sol est desséché, ce qui est particulièrement dur pour la végétation et met en danger les récoltes dans de nombreuses régions. La règlementation concernant l’usage de l’eau va devenir très contraignante dans tous les pays pour les producteurs et pour tous types d’usagers.

Situation sur les marchés

L’offre de végétaux d’ornement est passée progressivement de déficitaire à l’automne 2021 à largement excédentaire pour cette rentrée 2022. La possibilité pour les consommateurs de repartir en vacances, les excès d’inflation et les périodes de forte chaleur des mois de juillet et août ont provoqué un embouteillage de végétaux dans tous les rayons des points de vente : les invendus de l’été ne laissent pas de place pour l’arrivée des plantes programmées pour les actions promotionnelles prévues pour la rentrée sur la base des bonnes ventes de 2021. Ce sont les producteurs, dans toute l’Europe, qui font les frais des annulations et reports de livraisons. Les conséquences à venir sur l’évolution des prix payés au producteur seront défavorables.

Les dossiers mis de côté pendant la pause estivale

Deux de ces dossiers, parmi bien d’autres, ont pris les devants pour la rentrée :

  • Les plastiques

Dans le cadre du projet Flowertrays animé par la « Stiftung Initiative Mehrweg » (SIM), les principaux représentants du commerce aux Pays-Bas et les grands acteurs de la distribution en Allemagne se sont mis d’accord pour l’introduction d’un système européen de plaques réutilisables : l’Euro Plant Tray, solution réutilisable pour l’industrie européenne des plantes. Ils ont décidé de fonder une coopérative dans ce but, elle prendra date à partir du 23 août 2022.

  • Les solutions alternatives à la tourbe

C’est en Irlande et en Allemagne que les parties prenantes sociétales et gouvernementales sont les plus intransigeantes vis-à-vis des décisions d’interdiction d’usage de la tourbe. Malheureusement, dans ces deux pays comme dans le reste du monde, les itinéraires techniques pour trouver des produits de substitution sont encore bien loin de proposer des solutions satisfaisantes. Aucun des produits alternatifs envisagés ne présente les caractéristiques requises pour des cultures sans risque de végétaux d’ornement.

Navigation à vue pour la rentrée de septembre 2022

Entre croissance économique faible et perspectives géopolitiques floues, entre taux d’intérêt en hausse et inflation à maitriser, entre défiance préjudiciable aux affaires des uns et optimisme prudent des autres, la rentrée de septembre nécessite une navigation à vue. Dans le contexte actuel où l’offre de végétaux d’ornement est supérieure à la demande, les prix ne peuvent plus augmenter malgré des coûts de production en forte hausse. Les tarifs exorbitants pour chauffer les serres vont provoquer une stagnation, voire une diminution de l’offre. Cette évolution sera-t-elle suffisante pour permettre aux prix de vente des plantes et fleurs de se redresser ?

Le comportement des consommateurs sera déterminant et c’est l’intensité et la durée de leur attachement à la végétalisation de leur espace de vie, induit par l’épisode Covid, qui fera la différence. Les actions marketing génériques peuvent y aider mais encore faudrait-il qu’elles soient faites rapidement, puissantes et concertées entre tous les acteurs de la filière du végétal.

Brand WAGENAAR, Août 2022